La qashabiya (القشابية) est un vêtement hivernal arabe porté en Algérie. Elle comporte une capuche et se différencie du barnus (البرنوس) par la présence de manches et d’une fermeture. Plus épaisse et plus large que la jalabah (الجلابة), elle est conçue en laine de chameau. Elle permet à son porteur de braver le vent et les précipitations de l’hiver.
Si les dictionnaires arabes recensent plusieurs définitions et étymologies pour le terme qashabiya, toutes s’accordent pour désigner un vêtement. Elles divergent dans ses caractéristiques(1).
Laine de chameau : un marqueur culturel et social
La Qashabiya est l’habit emblématique des Hauts-Plateaux algériens. Djelfa et ses alentours en sont le centre de production majeur. On en retrouve aussi dans l’Oriental marocain, les Aurès, en Tunisie et jusqu’en Tripolitaine.
Ces régions forment un continuum culturel et ethnique basé sur une société bédouine dont l’activité par excellence demeure le pastoralisme et l’élevage de chameaux. L’espace géographique de la Qashabiya correspond à celui des plateaux arides et secs de l’Atlas Saharien où l’hiver et les nuits sont rudes.
C’est une région exclusivement peuplée de tribus arabes héritières des migrations du 11ème siècle en provenance de la péninsule arabique. Les Sehari, Hammiyyan, Ouled Na’il, Rahman, ‘Umur, sont en effet connues pour la domestication des chameaux et l’exploitation de leur laine.
Al-Wabr (الوبر) : le chameau au cœur de l’artisanat algérien
Parler de la qashabiya, c’est soulever la question de la place du chameau dans la culture et l’économie de l’Algérie profonde. En effet, la laine de dromadaire, appelée al-Wabr en arabe, occupe une place centrale dans l’artisanat algérien hérité des traditions bédouines d’Arabie.
L’utilisation d’al-Wabr par les arabes pour se prémunir du froid est ancienne et variée. On la retrouve dans la plupart des tenues masculines du Mashreq et du Maghreb rural. Des noms de villes et de lieux-dits tels ‘Ain Al-Ibl (Djelfa) ou ‘Ain Al-Nagah (Biskra) témoignent de l’importance du camélidé dans le paysage culturel des Hauts-Plateaux algériens.
Cette laine est récoltée par les nomades durant la tonte et sert à la fabrication des barnus, tentes, qashabiya et autres vêtements. À ce poil s’ajoute parfois la laine de mouton (as-Sawf) dans le processus de fabrication de la qashabiya.
Laine de chameau : ses particularités
La laine de chameau se compose deux couches de poils qui permettent à la fois de réchauffer et d’isoler. Le poil extérieur est une fourrure de protection. Le poil intérieur, plus court et plus fin, est moins protecteur mais plus isolant.
“Il est très doux et fréquemment utilisé dans la fabrication de textiles pour manteaux”
Adel ZIANI
Les raisons qui poussent les bédouins à utiliser al-wabr pour la fabrication de la qashabiya sont les mêmes que pour la tente nomade. En effet, les tentes bédouines traditionnelles sont fabriquées à partir de matériaux organiques à double usage. Cela permet de s’adapter au climat du désert. Tantôt très chaud la journée tantôt très frais la nuit. Ainsi, on régule la température de cette façon. De plus, son imperméabilité protège de l’humidité et de la pluie.
Fabriquées à partir de poils de chèvre noire ou de chameau, les fibres sombres attirent la chaleur du soleil pour garder la tente fraîche pendant la journée et chaude pendant la nuit. Lorsqu’il pleut, les fibres gonflent pour bloquer l’eau et créer un joint étanche.”(2).
Le savoir-faire et la confection de la qashabiya sont principalement féminins. Aujourd’hui encore, c’est la femme bédouine qui est en charge de toutes les étapes de fabrication. Cela va du récurage de la laine (ashm) jusqu’au tissage (sadwah) (3).
Qashabiyah en laine de chameau : son prix
La qualité du matériau utilisé et la conception minutieuse ont un coût. En effet, fabriquée intégralement en laine de chameau, la qashabiya algérienne peut dépasser les 90.000 DA (environ 560 €). Mais l’arrivée de produits chinois sur le marché algérien ces dernières années a affecté le secteur artisanal local.
Considérée comme la capitale de la qashabiya, la ville de Messad (Mas’ad) dans la région de Djelfa, dépend en majorité du travail d’al-Wabr. En entraînant, de facto, une politique protectionniste, la pandémie de Covid-19 a permis d’écarter, pour un temps, une concurrence chinoise jugée déloyale et de relancer la production locale(4).
Remerciements à @badyadz pour son aide précieuse dans la rédaction de cet article
[1] http://arabiclexicon.hawramani.com/%D9%82 %D8%B4%D8%A8/
[2] https://www.rhitents.com/traditional-bedouin-tents/
[3] ABDELALI MARTINI Malika, AW-HASAN Aden : Gender Research in Natural Resource Management Building Capacities in the Middle East and North Africa (2014) p. 45.
[4] TV5 Monde (17 octobre 2020)
Excellent article 👌🏽