TOUT SUR LA BOSSE DE CHAMEAU
En règle générale, nos connaissances sur la bosse de chameau se limitent à « chameau 2 bosses » et « dromadaire 1 bosse. Ne parlons même pas du lait de chamelle et les réflexions associées : « ça produit du lait les chameaux ? ». On vous propose ici d’en savoir un peu plus et de (re)découvrir la bosse de chameau. Mais vraiment tout sur la bosse de chameau.
Qu’est-ce qu’une bosse ?
Une bosse est une protubérance anatomique assez caractéristique et bien visible se trouvant sur le dos du chameau. C’est même à ça qu’on le reconnaît. Il peut en porter une ou deux. La bosse assure plusieurs fonctions physiologiques et permet notamment au chameau de résister aux températures extrêmes, au manque d’eau et de nourriture.
Selon son état de satiété et les conditions environnementales dans lesquelles il vit, la bosse aura une taille et un poids différents. Ainsi, il n’est pas étonnant de croiser un chameau avec une bosse minuscule et un autre avec une bosse bien développée. D’ailleurs, on peut se servir de la bosse comme indicateur de son état de santé général.
Chameau, dromadaire, turkoman : combien de bosses ?
Le chameau, qu’il possède une ou deux bosses, est un mammifère faisant partie de la famille des camélidés. Au sein de cette famille des camélidés, nous allons retrouver 3 genres : Camelus, Lama et Vicugna. Au sein du genre Camelus, on distingue deux espèces :
- Camelus bactrianus : Chameau de Bactriane, chameau à deux bosses ou simplement « chameau »
- Camelus dromedarius : Chameau d’Arabie, chameau à une bosse ou plus communément « dromadaire »
Autrement dit, le « chameau de Bactriane » (2 bosses) est celui qu’on désigne lorsqu’on parle de « chameau ». On le retrouve plutôt en Asie et possède une laine davantage fournie, adaptée au désert « froid ». Le « chameau d’Arabie » (1 bosse) est celui qu’on nomme « dromadaire ». On le retrouve dans les déserts chauds (Afrique, Moyen-Orient, Australie).
Le dromadaire est-il un chameau ? La réponse est OUI !
Tout dromadaire est un chameau mais pas tout chameau est un dromadaire
Par ailleurs, ces chameaux de Bactriane et d’Arabie sont dits « domestiqués ». Il existe également le chameau sauvage de Tartarie (Camelus bactrianus ferus) qui est la troisième espèce du genre Camelus. Certains considèrent cette dernière comme une sous-espèce de Camelus bactrianus. Cependant, des études récentes sur le plan génétique ont montré plutôt qu’il s’agissait d’une espèce à part.
Cas du turkoman
Le croisement entre chameau et dromadaire est possible ! Cela se produit même à l’état naturel dans les régions asiatiques ou les deux espèces se côtoient (Asie centrale, Turquie, Iran, Syrie…). Le métis ainsi obtenu (on parle aussi d’hybride mais le terme le plus adéquat est « métis ») s’appelle « TURKOMAN », « TÜLÜ » ou « CHAMAEAU DE MAYEH ». Il a la robustesse et la force du chameau ainsi que la persévérance et la résistance du dromadaire.
D’un point de vue phénotypique, il ressemble au dromadaire avec des traits de chameau. En effet, il n’a qu’une bosse de très grande taille et légèrement subdivisée. Un gabarit impressionnant : très grand et très lourd (sont poids dépasse facilement la tonne). Sa fourrure est abondante.
Aujourd’hui, on contrôle un peu plus ces croisements pour des buts spécifiques : production de lait de chamelle et la lutte cameline notamment. Les turkomans femelles produisent plus de lait avec une teneur en matière grasse plus élevée que la moyenne. On le retrouve essentiellement dans les pays d’Asie centrale, notamment le Kazakhstan.
En Turquie, le Camel Wrestling Festival est un événement unique au monde où les propriétaires de turkomans se réunissent pour de la lutte cameline. Loin de toute violence et maltraitance animale, ce sport est une tradition pratiquée depuis des générations par les nomades Turcs. Les vainqueurs de lutte peuvent revendre leur champion pour 74 000 €.
Le chameau et le dromadaire ayant le même nombre de chromosomes, leur croisement donne donc un métis capable de se reproduire. On appelle cette première génération « F1 ». Pour donner une deuxième génération (F2), on croise ce F1 avec un chameau ou dromadaire pur. En effet, les produits issus de F1 x F1 donnent des individus de plus en plus incontrôlables et non exploitables.
Le turkoman le plus connu de France
Dans le Sud-Ouest de la France, un turkoman nommé Dino met à profit ses capacités de bât (transport) pour nettoyer le littoral des Landes. Sensibles à l’écologie et à la préservation de l’environnement, Dino et son super éleveur Franck DOENS parcourent les plages de la région régulièrement pour ramasser manuellement les déchets. Notre éco-chamelier national fait même partie des KAMELITO-VIP.
D’ailleurs, ils sont même à l’origine de l’association « Camel’Idées de l’Atlantique » qui lutte contre la pollution du littoral atlantique. KAMELITO soutient pleinement ce projet et espère que d’autres initiatives similaires verront le jour en France.
Cas du chamelon (bébé du chameau)
Outre le fait d’être atrocement mignon à la naissance, le chamelon ne porte pas de bosse à la naissance. En effet, alors qu’il pèse à peine une trentaine de kilos, son dos est dépourvu de bosse. Ça n’est qu’au bout d’un certain temps qu’on la voit apparaître et courber son dos. Il a besoin de bien se nourrir pour se développer correctement.
Record du nombre de bosses
Un dromadaire, qui habituellement porte une seule bosse, a battu un record pour le moins atypique. En effet, le docteur zoologiste Allemand Bernhard Grzimek a découvert dans les années 1970 un dromadaire à 4 bosses. Il a décrit l’animal comme un dromadaire à la fois unique et étrange possédant 4 bosses entièrement formées et bien distinctes.
Inscrit dans le Guinness book des records, ce tétra-bossu originaire du Yémen soulève bien des questions. Puisqu’il porte 4 bosses, cela revient à posséder 4 fois plus de stockage d’énergie. Ce dromadaire aurait-il pu battre d’autres records comme la plus longue période sans boire ou le fait d’avaler 400 litres d’eau en moins de 20 minutes ?
Y’a quoi dans la bosse ?
Contrairement à la légende, l’intérieur de la bosse est majoritairement constitué de graisse et non d’eau. Pour être plus précis, il contient environ 70% de graisse, 28% d’eau et et 2% de protéines. La bosse sert de réserve d’énergie en quelque sorte. En effet, le chameau est la seule espèce ayant la capacité de stocker l’essentiel de ses réserves graisseuses de façon aussi concentrique dans des cellules spécialisées : les adipocytes.
Il stocke la majorité de sa graisse dans sa ou ses bosses. En chiffres, cela représente entre 50 et 80% du gras de la carcasse. En y incluant le gras intramusculaire, on se situe à 30-35% (Faye, B., Konuspayeva, G., & Magnan, C. (2022). L’élevage des grands camélidés. QUAE.).
Le volume et le poids de la bosse
Comme vu précédemment, le volume et le poids de la bosse varient de manière générale selon des facteurs génétiques, l’état de satiété de l’animal, de sa race, de son sexe, les saisons, de sa période de lactation ainsi que des conditions environnementales dans lesquelles il vit. En moyenne, une bosse pèse une quarantaine de kilos.
Par conséquent, un dromadaire de course aura une bosse minuscule. Si minuscule voire quasi-inexistante ne pesant même pas 5 Kg. Sujet à un régime alimentaire strict très énergétique et protéique, il doit être le plus léger possible pour pouvoir réaliser des pointes de 60/70km/h. L’alléger revient à réduire le volume de sa bosse.
Certains chameaux en pleine santé et vitalité portent quant à eux une bosse pouvant peser 100 Kg. Certains chiffres mentionnent même 150 Kg.
La bosse de chameau et ses légendes
- Légende n°1 : il y a de l’eau dans la bosse de chameau
Bien entendu, c’est faux. Comme vu précédemment, on trouve de la graisse dans la bosse. Cette graisse joue un rôle de réserve d’énergie. Sa taille et son volume varient selon différents facteurs (génétique, environnement, satiété…). Si vous recherchez de l’eau, il faut jeter un œil du côté de son estomac.
Lorsqu’ils sont à court d’eau durant un voyage, il arrive que les bédouins sacrifient un chameau pour extraire l’eau de son estomac et ainsi survivre jusqu’au prochain point d’eau ou puits. D’ailleurs, le survivaliste Bear Grylls avait adopté cette technique pour s’abreuver dans le désert lors d’un tournage de l’émission « Man vs Wild ».
- Légende n°2 : le dromadaire est un chameau qui a perdu une bosse
Cette légende dit que le dromadaire perdrait une bosse lors de son développement fœtal. En d’autres termes, durant la période gestationnelle, le dromadaire serait initialement un chameau à deux bosses. Puis, la bosse avant s’atrophierait petit à petit jusqu’à disparaître complètement.
Cette légende a été réfutée par une étude publiée en 2010 sur des fœtus de dromadaires. En réalité, cette légende provient de l’observation d’un turkoman (produit issu du croisement entre un chameau et dromadaire) au 19ème siècle en Italie.
La bosse, ça n’est pas que pour les chameaux
Chose surprenante ou pas, les chameaux n’ont pas l’exclusivité sur cette merveille anatomique. En effet, d’autres animaux portent une bosse également et avec la même fonction : réserve graisseuse d’énergie. Toutefois, les bosses du poisson citron et du zébu ne sont pas aussi performantes que celle du chameau. Le chameau résiste plus longtemps aux conditions extrêmes comme la sécheresse et la sous-alimentation.
Seller devant, derrière, dessus, sur les côtés ou entre les bosses
Selon les régions du monde, il existe différentes techniques pour monter un chameau. En Afrique, il est courant de s’asseoir devant la bosse. On utilise pour cela une selle touarègue.
Dans la péninsule arabique, on selle le dromadaire plutôt derrière la bosse.
En Asie centrale, les chameliers montent des chameaux de bactriane (2 bosses) en le sellant entre les bosses.
Aux Îles Canaries, des sièges sont accrochés de chaque côté de la bosse à l’image d’une balance ou d’un bâton de transport chinois. Ce mode de transport était encore utilisé le siècle dernier par les pèlerins qui se rendaient à la Mecque.
Il existe aussi un type de selle très prisé en Australie et partout dans le monde où les treks à dos de chameau s’organisent. Une selle bi-place où les assises se trouvent devant et derrière la bosse. En France, la société Dromasud développe ses propres selles sur mesure. La particularité de leurs selles : léger et solide. Fabriqué à la main en composite, les selles dromasud sont adaptées pour de longues balades et en tout confort.
Enfin, il est possible de s’asseoir sur la bosse. A l’époque, cela était réservé aux femmes pour éviter les difficultés liées aux voyages (fatigue de la marche, exposition au soleil…). Aujourd’hui, c’est dans le cadre de festivité comme le mariage qu’on selle le chameau sur la bosse. En Tunisie, la jeune mariée quitte le domicile familial à dos de dromadaire dans un palanquin. L’équipement fait qu’elle s’assoit sur la bosse.
Critère de beauté de la bosse
La bosse de chameau fait partie des critères de beauté pour élire le plus beau chameau lors des concours. En effet, il faut que la bosse soit bien formée, très en arrière sur le dos et avec une belle crête. Il est aussi tendance que la bosse forme une belle courbe comme un arc de cercle depuis les pattes arrière.
Hump day : le jour de la bosse
Le hump day (“jour de la bosse” en français) se produit une fois par semaine. En d’autres termes, il s’agit d’un événement hebdromadaire… C’est un jeu de mot entre le pic du milieu de semaine et la physionomie du chameau.
En effet, dans les pays anglo-saxons, le mercredi n’est pas le jour des enfants mais plutôt le jour qui annonce bientôt le weekend. Ils symbolisent la semaine comme une bosse de dromadaire dont le sommet est le mercredi. Nous en parlons de façon plus détaillée ici : qu’est-ce que le « hump day » chaque mercredi ?
Sauter au-dessus de la bosse
Le saute-chameaux est une tradition tribale à la fois culturelle et sportive se déroulant dans la province d’Al-Houdeida au Yémen. La tribu des Zaraaniq la pratique depuis des générations lors des grandes occasions : mariage, festival, concours…
Mélange entre saut en hauteur et saut en longueur, cette pratique se retrouve également sur l’île de Socotra. Les sauteurs font preuve d’une agilité impressionnante pour sauter au-dessus de la bosse du chameau. Le record à battre est de 7 chameaux (voire 8 selon les dernières estimations). On aborde le saute-chameaux dans cet article : saute-mouton c’est bien, saute-chameaux c’est mieux !
Les patronymes “BOSSE” et “CHAMEAU” en France
Une information pour le moins atypique qui ne changera pas le court de votre existence mais qui aura le mérite d’être assez anecdotique pour impressionner votre entourage. Il y en a sûrement davantage mais l’enregistrement des patronymes “BOSSE” et “CHAMEAU” remontent à 1890. Ainsi, on compte pas moins de 3610 portant ces noms de famille en France depuis cette date. Pour les “CAMEL”, on en dénombre 511 depuis 1890 et ils se trouvent dans 44 Départements.
La bosse de chameau : une inspiration innovante pour l’industrie du textile
Des chercheurs en Chine se sont inspirés du fonctionnement physiologique de la bosse du chameau pour concevoir un tissu thermoprotecteur. Ce textile biomimétique agit comme un isolant et protège de la chaleur celui qui le porte. Ce tissu présenterait un intérêt majeur notamment pour la confection d’uniforme de pompier. Ces derniers combattent souvent les feux et font face à des températures extrêmes. Non seulement il isole mieux de la chaleur, mais en plus il évacue efficacement l’humidité. En effet, les uniformes de pompiers conventionnels ont tendance à se concentrer sur la protection thermique uniquement.
Le textile en question se présente sous la forme d’un isolant constitué de poches remplies d’un aérogel, entourées de deux couches de polymères résistants à la chaleur. Selon l’étude, le tissu est capable de résister à une température de 80°C. Doté de micropores, il permet également l’évacuation rapide de l’humidité générée par la transpiration. C’est cette perméabilité qui confère au tissu son caractère respirant. Pour l’heure, ce tissu, bien que prometteur, doit subir davantage de tests pour confirmer son efficacité et être commercialisé.
Tombouctou et la bosse de chameau
Terminons sur note historico-géographique. Pour cela, rendons-nous dans le nord du Mali où la ville de Tombouctou a la particularité de se trouver dans la « bosse de chameau ». En effet, le fleuve Niger traverse plusieurs pays en formant ce qui semblerait une bosse de dromadaire. La ville de Tombouctou se trouve dans cette bosse et tiendrait son nom du « puits de Bouctou », vieille femme Targuie qui s’était installée dans la région au 12ème siècle.